Au soleil couchant

Au soleil couchant

Le 25 juin dernier éditeurs, traducteurs, journalistes et lecteurs furent convié à la cérémonie du deuxième prix Émile Guimet de littérature asiatique. Réunis pour honorer Au soleil couchant du romancier coréen Hwang Sok-yong ainsi que son éditeur Philippe Picquier.

Pour Brigitte Lefèvre, présidente du jury 2018, Au soleil couchant représente une œuvre salutaire où constructions et destructions ne font qu’une comme marche du vivant, moments privilégiés des réminiscences et des interrogations profondes sur soi-même.

« La leçon que je tire moi-même du roman que vous récompensez aujourd’hui m’est apparue au fil de sa rédaction.

De quoi y parlé-je ?

D’un architecte qui, au soir de sa vie, tente un bilan. Il a beaucoup travaillé, il est célèbre, riche et comblé. Il a contribué activement à refaçonner le paysage urbain, à le moderniser en construisant de ces appartements comme en voit partout dans toutes les villes de Corée et dans les recoins les plus inattendus. Il a dessiné des centres commerciaux et de vastes complexes polyvalents censés répondre aux besoins de la population. Sincère et consciencieux, il était aveuglé par la certitude qu’en travaillant en étroite coopération avec les promoteurs immobiliers, les investisseurs et les autorités, il avançait dans le sens de l’histoire, de la modernité, d’un mieux-être pour tous.

En se rappelant à son souvenir, une amie d’enfance l’invite à renouer avec son passé : il est lui-même issu d’une famille modeste vivant dans un de ces quartiers pauvres que les promoteurs immobiliers ont rasés pour y faire pousser des forêts de béton dont ils ont chassé, pour le plus grand profit des spéculateurs, une population laborieuse, méritante et chaleureuse.

La prise de conscience de la violence faite aux pauvres, faite aussi à l’environnement, est cruelle pour cet homme, modèle de réussite professionnelle. Les souvenirs d’un passé qu’il a défiguré servent de contrepoint à sa réussite sociale, de même que la dure vie que mènent d’autres figures du roman, telle cette jeune femme, metteur en scène, qui use sa santé à travailler de nuit dans une supérette pour pouvoir, comme on dit, joindre les deux bouts. J’ai toutefois voulu éviter, dans ce livre, la simplification trop facile qui oppose les classes.

L’idée de ce roman m’est venue quand j’ai vu, à la télévision, un documentaire sur Jeon Tae-il, cet ouvrier du textile qui s’est immolé par le feu dans le quartier de Dongdaemun pour protester contre les conditions inhumaines de son travail dans les années 1980. Son employeur, aujourd’hui très âgé, explique aux journalistes : Ce n’était pas facile pour moi non plus, j’avais commencé avec juste quelques machines à coudre… Je ne savais pas comment il vivait ; si je l’avais su, dit-il les larmes aux yeux, j’aurais pu être plus généreux avec lui. Ces moments de regret, jamais on ne les oublie. Ce qu’on a fait, ce qu’a fait une génération, cela poursuit les autres générations, c’est la loi du karma. » Hwang Sok-yong

Éditions Philippe Picquier
192 pages

 

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