MUSÉE CERNUSCHI | L’ENCRE EN MOUVEMENT

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UNE HISTOIRE DE LA PEINTURE CHINOISE AU XXe SIÈCLE

De la fin de l’empire à la Seconde Guerre mondiale, de la révolution de 1949 à l’ouverture des années 1980, la Chine du XXe siècle est le théâtre de profondes mutations.

La peinture chinoise, en phase avec ces changements, est elle aussi en mouvement. Définie depuis des siècles par l’usage de l’encre, elle se réinvente au contact de techniques nouvelles mais aussi grâce à la redécouverte de son propre passé.

Première partie I Écritures anciennes et peinture moderne au début du XXe siècle

En Chine, le XXe siècle commence véritablement avec la fin de l’empire et l’avènement de la république, en 1912. Du point de vue culturel, le signe le plus remarquable de la modernité naissante est l’avènement d’un nouveau rapport à la langue et à l’écriture, qui va générer un complet renouvellement de l’art calligraphique et pictural.

L’intérêt grandissant des intellectuels pour les inscriptions anciennes s’inscrit dans une approche critique des textes canoniques, fondements de la culture classique des lettrés fonctionnaires. Ainsi, un réformateur politique de premier plan comme Kang Youwei (1858-1927) forge son style calligraphique en se détournant des élégants modèles classiques, pour adopter le style rugueux et énergique des stèles antiques.

Kang Youwei

Plus radical encore, Wu Changshuo (1844-1927) se donne pour modèles les plus anciennes inscriptions sur pierre connues, celles des célèbres tambours de pierre.

Wu Changshuo

Deuxième partie I Moderniser la peinture, entre Chine et Japon

Les années 1920 et 1930 sont marquées par des luttes entre seigneurs de guerre, puis entre communistes et nationalistes, et, à partir de 1932, par les menées coloniales et militaires du Japon.

Le Japon constitue, depuis le début du siècle, un relais majeur dans l’éducation de l’intelligentsia chinoise. Les artistes y étudient les techniques occidentales et se familiarisent avec le nihonga (peinture japonaise), qui opère, à l’encre et en couleurs, une synthèse entre apports étrangers et histoire de la peinture locale.

Zhang Daqian

Dans l’archipel, mais aussi dans les anciennes collections impériales de la Cité Interdite nouvellement ouvertes au public, les artistes redécouvrent également une partie de la tradition picturale chinoise, notamment dans le genre des fleurs et oiseaux ou du paysage. Le naturalisme de certains styles Song (960-1279) est alors très apprécié car perçu comme un moyen pour sortir de l’idéalisme de la peinture de lettrés et être plus en prise avec la réalité.

Troisième partie I Un exil intérieur : à la découverte des peuples de l’Ouest

L’offensive japonaise de 1937 provoque l’installation du gouvernement à Chongqing, qui devient la capitale de la Chine libre. Les écoles des beauxarts, récemment créées, doivent également se replier vers l’ouest du pays. Toutefois, la guerre ne signifie pas un arrêt de la création. Les territoires où se sont réfugiés les artistes vont même devenir l’une des sources principales de leur inspiration.

Zhang Daqian

C’est le cas de Pang Xunqin (1906-1985) qui réalise une importante série de peintures représentant des femmes et des hommes Miao.

Au début des années 1940, certains artistes découvrent les peintures murales de l’ancien site bouddhique de Dunhuang. Ils sont alors confrontés à un art inconnu qui constitue pour eux une révélation tant par son caractère dynamique que par sa vive polychromie. Chang Dai-chien (Zhang Daqian, 1899-1983) séjourne à Dunhuang de 1941 à 1943.

Quatrième partie I Peindre le nu à l’encre

Synthèse d’un genre occidental et d’une technique orientale, les nus à l’encre sont révélateurs d’un phénomène majeur du XXe siècle : la réception de la tradition européenne par les artistes chinois.

Pan Yuliang

Pour s’approprier ce sujet inconnu ou marginal dans la tradition chinoise, certains artistes délaissent le crayon au profit du pinceau et de l’encre. Ce retour aux instruments et matériaux chinois, en parallèle à d’autres techniques, participe aussi bien à la métamorphose des corps chez Sanyu (Chang Yu, 1895-1966) qu’à la sensualité des femmes de Pan Yuliang (1895-1977).

Cinquième partie I Peinture rouge, dessins et encres révolutionnaires

En 1949, les communistes l’emportent sur les nationalistes et fondent la république populaire de Chine. La période maoïste (1949-1976) est caractérisée par une activité intense dans le domaine des arts.

Les artistes se doivent d’illustrer les épisodes marquants de l’histoire du Parti communiste chinois et de décrire l’avènement d’une Chine nouvelle.

Wang Shenglie

Dans un premier temps, la peinture à l’encre, considérée comme le vestige d’une époque féodale honnie, peine à trouver sa place face à l’imposition d’une peinture à l’huile basée en grande partie sur le réalisme socialiste des modèles soviétiques.

Sixième partie I Entre deux mondes : dialogue avec l’abstraction

Les années 1950 voient les plasticiens chinois basés hors de la République populaire de Chine être confrontés aux vocabulaires abstraits américains et européens. Une jeune génération d’artistes, pour la plupart nés dans les années 1920 et 1930, se pose alors la question des modalités d’une éventuelle intégration à une scène artistique en partie globalisée.

Ces problématiques concernent au premier chef les artistes actifs en Europe, tels que Zao Wou-ki (Zhao Wuji, 1920-2013) ou Chu Teh-Chun (Zhu Dequn, 1920-2014).

Zao Wou-ki

Taiwan, où les nationalistes du Guomindang se replient en 1949, compte également parmi les creusets majeurs de cette réflexion. Deux groupes d’avantgarde, la Société de peinture du cinquième mois et la Société de peinture de l’Orient, y sont fondés en 1956 par des peintres nés en Chine continentale. Ces derniers opèrent une synthèse technique et formelle entre des styles occidentaux contemporains et des éléments issus de la tradition picturale chinoise.

Septième partie I L’encre des années 1980 et 1990

La fin de l’époque maoïste (1949-1976) et la politique de Deng Xiaoping (1904-1997) permettent une plus grande ouverture sur l’extérieur. Les peintres de Chine continentale prennent alors connaissance des travaux menés en Occident, mais aussi à Hong Kong et à Taiwan.

Li Jin

Les années 1980 et 1990 sont marquées notamment par la volonté de faire évoluer l’encre au moyen de recherches purement plastiques, en rupture avec les vocabulaires et les buts picturaux de l’époque précédente. Nombreux sont les peintres qui se rapprochent progressivement de l’abstraction sans abandonner le cadre technique de la peinture à l’encre et une inspiration puisée dans le monde environnant, ce que Wu Guanzhong (1919-2010) appelle « ne pas couper le fil du cerf-volant ».

Le renouvellement de la peinture à l’encre de l’intérieur est au cœur de la démarche de nombreux mouvements. La calligraphie paraît également à beaucoup comme un domaine d’exploration privilégié permettant de tordre les codes de la culture classique sans rompre avec cette dernière.

Certains artistes préfèrent toutefois sortir du cadre des arts graphiques et s’interroger sur l’encre en tant que symbole et matière dans des installations ou lors de performances.

Exposition à découvrir jusqu’au 19 février |23

www.cernuschi.paris.fr

 

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