Souvenir : Camille Lepage

Souvenir : Camille Lepage

Native d’Angers, Camille Lepage y effectue ses études secondaires au lycée Saint-Martin. Après un échec au concours d’entrée à Sciences Po, passionnée de photojournalisme depuis son adolescence, elle va étudier le journalisme à l’université de Southampton Solent en Angleterre, puis un stage d’étude à Rue89 comme rédactrice.

Lors d’un second stage, de trois mois en Égypte, elle découvre l’importance de la crise au Soudan, pays frontalier, qui vient d’être divisé, et décide de s’y installer comme multicarte, afin d’y mener un travail journalistique de longue haleine sur un conflit peu médiatisé, dans le plus jeune pays du monde.

Sa lettre de motivation envoyée au studio Hans Lucas mentionne son souhait de « permettre une meilleure compréhension de fond d’une petite partie du monde, couvrir ces zones délaissées et rapporter de nouvelles images de régions ignorées, voire oubliées ». Cette approche originale lui permet de gagner la confiance des populations, des sources d’information locales, puis d’être récompensée par des publications dans nombre de grands médias prestigieux.

En septembre 2013, elle quitte le Sud-Soudan pour s’installer en République centrafricaine afin de couvrir la guerre civile qui vient d’éclater, et à laquelle les médias ne s’intéressent pas encore.

À peine arrivée, elle est interviewée par le site spécialisé Petapixel, qui a remarqué « détermination » et « regard intuitif » dans sa couverture des Monts Nouba au Sud-Soudan. Ses réponses dénoncent l’absence de la plupart des médias sur le front des Monts Nouba, car selon elle ils craignent de déplaire aux publicitaires pendant certaines périodes.

Selon des médias de Guinée, Centrafrique et Burkina, elle révèle l’ampleur de la nouvelle guerre civile centrafricaine, « fratricide et absurde », en « témoignant par l’image de la réalité de la vie des populations prises en otage », grâce au succès de ses photos : Reuters, Associated Press, AFP, BBC, Le Monde, Wall Street Journal, Guardian, Sunday Times, le Washington Post, La Croix.

L’intervention internationale coïncide avec des menaces et tracasseries contre les journalistes, dont Camille Lepage s’inquiète lors de conversations avec RSF en décembre, deux mois seulement après son arrivée. Les militaires français lui signalent assez rapidement que ses reportages lui font « prendre des risques », mais elle reçoit au même moment un 2e prix du Pictures of the Year International.

Dans la nuit du 29 avril, des bandes armées attaquent les domiciles de deux autres journalistes centrafricains. Désiré Sayenga, rédacteur au journal Le Démocrate, atteint au thorax, succombe à ses blessures le lendemain. René Padou, de la radio protestante Voix de la Grâce, ne survit que jusqu’au 5 mai, son frère aîné décédant aussi, selon une source policière. Au soir d’une marche pour protester contre ces deux assassinats, des menaces de mort sont proférées contre des journalistes de Radio Ndeke Luka.

Camille Lepage, après une semaine à New York pour rencontrer des rédacteurs en chef, est alors revenue dans la brousse et sera assassinée quatre jours plus tard. Tuée d’une balle dans la tête le 12 mai 2014.

RSF constate au même moment que nombre de journalistes « ont été contraints de se cacher ou de quitter le pays après avoir fait l’objet de menaces de mort » et que « la majorité des journalistes centrafricains n’exerce plus et ceux qui l’osent se voient régulièrement menacés ».

La Centrafrique avait jusqu’ici été relativement épargnée par la censure (2986 journalistes, arrêtés, agressés ou menacés dans le monde en 2013, et 36 assassinés, soit la moitié des 71 morts au travail). Sept ont été assassinés en particulier en Somalie, autre pays sous la coupe de milices islamiques.

www.camillelepage.org

 

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