Souvenir d’un Futur
Cette série est un témoignage sur la vie des seniors dans les grands ensembles de la région parisienne. Conçus durant les Trente Glorieuses et jusque dans les années 80 pour résoudre l’accroissement démographique, l’exode rural et accueillir une population immigrée tout en répondant aux besoins du confort moderne, ces quartiers sont aujourd’hui fréquemment stigmatisés par les médias et marginalisés dans l’opinion publique. Loin de cette vision médiatique, mais simplement fasciné par le modernisme à la fois ambitieux et suranné de ces ensembles, Laurent Kronental s’est ému de la condition des anciens qui y ont vieilli et qui représentent à ses yeux la mémoire des lieux.
Les grandes masses majestueuses de ces vaisseaux futuristes semblent partir à la dérive sur un océan de béton. Mais la présence de personnes âgées, dans ce décor où on ne les attend pas, permet paradoxalement de penser qu’un espoir est encore possible, que peut-être toutes les illusions ne sont pas perdues. Grâce à la chambre argentique grand-format 4×5, l’artiste met en valeur la géométrie de l’architecture sans écraser les détails.
En posant un regard sur des quartiers de banlieue souvent méconnus et au potentiel sous-estimé, il exprime son ressenti de poésie face à cet univers qui semble vieillir doucement et emporter avec lui le souvenir d’une utopie moderniste.
Souvenir d’un Futur est le résultat de 4 ans de visites et d’échanges. A travers cette série, Laurent Kronental a voulu créer l’ambiance d’un univers parallèle mêlant futur et passé et rendre consciemment l’impression de villes vidées de leurs habitants. De ce monde, nos villes présenteraient des structures titanesques, engloutissant l’humain, produit de nos peurs et de nos espoirs d’une organisation de la cité.
Marqués par le temps, les immeubles gris et lourds, comme les aînés photographiés, ont les traits usés des personnes qui ont beaucoup vécu. Et pourtant, entre les rides qui sillonnent les visages et les fissures qui creusent les murs, dans l’énergie des corps et l’élan des façades, percent un orgueil et une fougue que l’on croyait disparus. Dans la paix des visages, dans la solitude des espaces, se mêlent résignation et attente, scepticisme et confiance, inassouvissement et plénitude. Ces contrastes font apparaître la vie dans toute sa profondeur et sa spontanéité. Ces « monuments », vivantes mémoires de leur époque, incarnent une force fragile : celle d’une jeunesse qui ne s’est pas vue vieillir.
Souvenir d’un Futur documents the life of senior citizens living in the « Grands Ensembles » (large housing projects) around Paris. For the most part erected between the 1950s and the 1980s to address the housing crisis, urban migration and the inflow of foreign migrants while meeting modern comfort needs, these large estates are today often stigmatized by the media and marginalized by public opinion. In sharp contrast with these cliché views, and fascinated by these projects’ ambitious and dated modernistic features, Laurent Kronental was moved by the living conditions of these urban veterans who have aged there, and who, he feels, are the memory of the locus.
He felt a need to examine their living conditions and shed light over a sometimes-neglected generation. Exposing these unsung and underestimated suburban areas is a means to reveal the poetry of aging environments slowly vanishing, and with them, the memory of modernist utopia.
His photographs are tinted with melancholic, yet brave disenchantment. The majestic mass of the futuristic vessels seems to drift across an ocean of concrete. But the presence of old people, which might seem unexpected in such settings, paradoxically hints at a possible hope, as if past illusions were not all dead yet. Using a 4×5″ analog camera, the artist highlights the architectural geometry without stamping out the details.
Souvenir d’un Futur is the result of four years of visits and exchanges. In this series, Laurent Kronental wanted to create the atmosphere of a parallel world mixing past and future while consciously conveying the impression of towns that would be emptied of their residents. In this magnificent and ghostly world, the structures of our cities would be titanic, gobble the human, the product of our fears and hopes for an organization of the city.
Marked by the passing of time, these massive, gray buildings, like their elder residents, bear the signs of long lives. And yet, in these wrinkled faces and cracked walls, in the energy of the bodies and of the facades, emerges the pride and pulse that we thought had disappeared. The peaceful faces and the bareness of the spaces convey a mix of resignation and expectation, skepticism and confidence, unsatisfaction and plenitude – a world of contrasts, deep layers of life, spontaneity. These « monuments », as living memories of their time, hold a fragile force: that of a younger generation that did not see itself age.
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