Le nom d’Alexandra David-Neel (1868-1969) est indissociable de l’exploration du Tibet. Pourtant, celle qui va devenir écrivain sous le nom de David-Neel ne s’embarque qu’à l’âge de 43 ans pour un voyage de plus de quatorze années, son grand voyage.
La longue période de sa vie précédant la célébrité conquise dans le monde des lettres et de l’orientalisme constitue autant la source que le fondement déterminant d’un si extraordinaire parcours pour une femme de son époque : riche d’une immense diversité de rencontres et d’enseignements, d’engagements sociaux et politiques par ses positions féministes et anarchistes, philosophiques avec la franc-maçonnerie, et artistiques car elle fut aussi une musicienne accomplie.
Si Alexandra David-Neel a passé 25 ans de sa vie en Asie, si elle fut la première femme européenne à se rendre dans la cité interdite de Lhassa, ses voyages ne font pas d’elle « qu’une » exploratrice : ils nourrissent une œuvre d’une densité et d’une force considérables, ils ouvrent à la pensée occidentale du début du xxe siècle des perspectives totalement novatrices dont nous constatons aujourd’hui à quel point elles sont en prise avec un besoin de spiritualité croissant et l’émergence continue des philosophies bouddhiques.
À son retour du Tibet, Alexandra, avec l’acquisition de sa demeure en 1928, va réellement devenir écrivain. Après une première étape à Toulon, où elle achève le manuscrit définitif du Voyage d’une parisienne à Lhassa, elle se rend à Digne pour y visiter une propriété dont elle fera son port d’attache dans la montagne.
Samten Dzong (Résidence de la Réflexion en tibétain) est l’unique maison
qu’ait possédée Alexandra David-Neel tout au long de sa vie centenaire.
Sa maison est autant un lieu de vie que d’écriture et de travail.
David-Neel y a exercé sa créativité avec acharnement, concevant les plans d’agrandissement, choisissant la distribution des espaces intérieurs et tous les matériaux de sa construction, de la menuiserie aux couleurs des papiers peints. Elle élève une tour dite de la méditation au centre de la maison qu’elle coiffe d’un gyältsän, emblème de victoire tibétain et de la forte dimension symbolique qu’elle souhaite lui conférer.
La vie d’Alexandra est une suite de récits qu’elle consignera d’abord dans
des carnets personnels, dans les nombreux échanges épistolaires, puis dans les publications pour des revues, des journaux et enfin des éditeurs.
Mais c’est ici, à Samten Dzong qu’elle écrira la plus grande partie de son
œuvre. Pour ce faire, elle y rassemble une importante bibliothèque, travaille avec acharnement, et collabore avec Aphur Yondgen, avec lequel elle écrira plusieurs contes philosophiques cosignés, ainsi qu’avec des ami(e)s assistant(e)s.
Après la mort de Yongden en 1955, elle rencontre Marie-Madeleine Peyronnet en 1959 pour l’assister dans tous les aspects de sa vie. Après son décès en 1969, Marie-Madeleine Peyronnet habite la maison selon la volonté de l’écrivain et en deviendra la gardienne : elle y recevra les visiteurs tout en organisant la publication de la correspondance. Peu à peu s’organisera la vente d’ouvrages puis d’artisanat tibétain.
Par testament, celle qui a toujours mené sa vie comme elle l’avait choisie, désigne la ville de Digne-les-Bains comme héritière principale de ses biens, manuscrits et droits d’auteur de plus de vingt-cinq titres traduits dans une vingtaine de langues.
C’est sa maison et son jardin retrouvés ainsi qu’un musée inventé
qui vont être ouverts au public aujourd’hui.
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