Gabrielle Chanel : manifeste de mode

Gabrielle Chanel : manifeste de mode

Dans ces années où Paul Poiret domine la mode féminine, Gabrielle Chanel, va dès 1912, à Deauville, puis à Biarritz et Paris, révolutionner le monde de la couture, imprimer sur le corps de ses contemporaines un véritable manifeste de mode.

Dès le début de sa carrière, Gabrielle Chanel s’inscrit en totale opposition avec la mode de son époque soumise au passage des tendances et à une expression stéréotypée de la féminité.

Première à porter ce qu’elle crée, ses choix reflètent ses propres goûts. Dans les années 1910, ils sont aussi inspirés par l’esprit de liberté qui caractérise la vie mondaine à Deauville, où elle ouvre une boutique en 1912, puis Biarritz où elle installe sa maison de couture en 1915. Première aussi à percevoir les évolutions qui se font jour au sortir de la Première Guerre mondiale, elle s’inscrit contre tout ce qui entrave le mouvement et déséquilibre la ligne.

Rejetant tout ornement superflu, elle propose des formes simples empreintes de naturel, des vêtements souples et fluides qui respectent le corps des femmes et leur accordent la capacité à se mouvoir avec aisance. Cette conception caractérisée par un étonnant mélange de dépouillement et de précision, pose les bases d’une élégance nouvelle qu’elle défendra tout au long de sa carrière.

Chanel travaille des dix doigts, de l’ongle, du tranchant de la main, de la paume, de l’épingle et des ciseaux, à même le vêtement, qui est une vapeur
blanche à longs plis, éclaboussée de cristal émietté. Colette

Si dans les années 1920 et 1930, Chanel accompagne l’évolution de la silhouette, elle confirme ses choix esthétiques et sa conception personnelle de la mode. D’une élégance épurée, les modèles sont nets et sobres, les matières souples et le plus souvent monochromes.
Sa palette est subtile et nuancée, et si les blancs et les beiges dominent, elle inclut aussi des notes plus intenses de bleu nuit et de rouge ardent.

Dans sa recherche de simplicité, Gabrielle Chanel ne participe qu’à de rares exceptions et de façon très mesurée, aux courants inspirés par l’historicisme et l’exotisme. Qu’ils soient imprimés ou brodés, elle fait aussi un usage parcimonieux et maîtrisé des décors et des motifs.
Les fleurs, exception à la règle, participent par leur traitement et par la fraîcheur de leurs coloris à transmettre une idée de jeunesse et de naturel.

Tout à la fois pratiques et élégants, ses vêtements s’inspirent des tenues de sport et empruntent certains codes à l’élégance masculine et au dandysme. Détournant techniques et matériaux jusqu’alors étrangers à l’univers de la haute couture, elle associe l’ordinaire et le luxe, fait avec la maille ou le tweed, ces étoffes communes, des tenues à l’allure désinvolte dont la coupe et les proportions cultivent raffinement et distinction. De cet équilibre, Chanel a fait un style identifiable entre tous.

L’utilisation du noir, parfois à peine éclairé de blanc, lui permet d’affirmer sa vision stricte et minimaliste de la mode. La pureté des lignes est plus tangible encore, le vêtement s’efface au profit d’une conception radicalement moderne du chic.

Créé en 1921, le N° 5, premier parfum composé, est, comme Gabrielle Chanel l’a voulu, radicalement différent. Contrairement aux fragrances proposées à l’époque, il ne renvoie à aucune senteur précise, c’est un parfum construit, comme l’étaient ses robes, une senteur abstraite et mystérieuse. Le parfumeur Ernest Beaux a choisi pas moins de quatre-vingts composants pour son assemblage. L’alliance de fleurs rares dont l’ylang-ylang, le jasmin de Grasse ou la rose de mai, de notes boisées et épicées, démultipliée par des
aldéhydes – matières de synthèse – utilisées pour la première fois en surdosage, rend la formule indéfinissable.

Son contenant et sa présentation sont tout aussi innovants. Aux fioles ornées des Années folles, Chanel oppose un flacon carré aux lignes sobres et anguleuses. Aux titres fleuris et imagés, elle répond par l’abstraction d’un numéro, d’un chiffre porte-bonheur. L’étui en carton blanc surligné de noir est quant à lui minimaliste et le graphisme d’une pureté révolutionnaire
pour l’époque.

En 1932, alors qu’elle prône l’usage des bijoux fantaisie, Gabrielle Chanel, crée une collection de haute joaillerie uniquement composée de diamants montés sur platine.

En 1954, dans un contexte encore marqué par l’esprit du New Look caractérisé par le retour à une silhouette exaltant les anciens canons de la féminité, Mademoiselle Chanel, à plus de soixante-dix ans, relance sa maison de couture, et plus que jamais, se positionne contre la mode du moment.
Synthèse des grands principes qui ont fait sa particularité et son succès, l’extrême dépouillement de son tailleur, est à lui seul, un véritable manifeste exprimant sa vision de la femme moderne. Tous les aspects de sa construction sont pensés dans le respect de l’anatomie, le juste équilibre de la silhouette et une conception de l’élégance alliant simplicité et naturel.

Pour la première fois à Paris, une exposition prend pour sujet Gabrielle Chanel.
Non pas la femme, mais la créatrice visionnaire, celle qui imagina une nouvelle allure et révolutionna le monde de la mode, des accessoires, des parfums, de la beauté et même de la haute joaillerie.

Issu du Patrimoine de CHANEL, des collections du Palais Galliera et de différents musées internationaux, cet ensemble de plus de 350 pièces datées des années 1910 à 1971 apporte un nouvel éclairage sur l’influence durable de la créatrice qui a transformé pour toujours l’allure des femmes.

Exposition jusqu’au 14 mars 2021
Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris
10. Avenue Pierre-Ier-de-Serbie 75116 Paris

 

Cet article a été publié dans la catégorie TIME OUT.

 

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