Call-Girl du Tout-Paris・

Call-Girl du Tout-Paris・

Confession chic et subversion douce

Lorsqu’elle a été recrutée par Madame Claude, Patricia est devenue Florence.

C’était en 1975 et la jeune fille de bonne famille, qui venait d’avoir 18 ans, s’est laissé tenter par l’aventure.

Derrière le pseudonyme de Madame Claude, se cache Fernande Grudet, femme énigmatique et redoutable, qui régna sur le Paris des années 1960-70 en bâtissant le réseau d’escort-girls le plus sélect de France. Ancienne résistante autoproclamée, à l’élégance stricte et aux nerfs d’acier, elle transforme la prostitution de luxe en une entreprise discrète, presque diplomatique, où ses « filles » – triées sur le volet – fréquentent les plus hauts cercles du pouvoir : ministres, aristocrates, stars de cinéma, PDG, et même chefs d’État étrangers.

Son credo ? Beauté, silence, efficacité. Rien ne devait fuiter. Et tout était sous contrôle — jusqu’à ce que le fisc, puis la justice, ne commencent à s’intéresser à ses affaires. Condamnée, exilée, revenue, repartie, Madame Claude reste une icône trouble de la libération sexuelle mêlée aux arcanes du pouvoir masculin.

Ni héroïne féministe, ni simple maquerelle, elle incarne un paradoxe français fascinant : celui d’une femme qui, dans un monde d’hommes, a su tirer les ficelles avec un sang-froid quasi militaire — avant que l’empire ne s’effondre sur elle-même.

Patricia connaît les suites feutrées, les regards codés, les silences tarifés et les parfums qui collent à la peau jusqu’au matin.

Avec Call-Girl du Tout-Paris, Patricia Herszman signe un récit frontal, élégant, terriblement humain, sur les coulisses d’un Paris où l’intimité s’achète à prix d’or — et où la liberté, elle, n’a pas de tarif.

Ancienne escort de luxe, aujourd’hui autrice et chroniqueuse, Patricia Herszman ne raconte pas seulement un parcours hors norme : elle déshabille les faux-semblants d’un certain monde, avec une plume vive, douce-amère, toujours lucide.

Derrière ce titre qui pourrait faire croire à une provocation glamour se cache un texte profondément littéraire, où chaque anecdote devient une scène de théâtre, chaque rencontre une mise en abyme du désir et du pouvoir. On y croise des politiciens masqués, des artistes en quête d’oubli, des financiers seuls sous leurs montres suisses.

Mais le vrai personnage principal, c’est elle — Patricia — et cette façon de regarder le monde sans cynisme, sans naïveté, avec une intelligence sensorielle rare.

Elle écrit l’élégance de l’instant, la violence feutrée des relations, la complexité d’un métier que l’on juge sans connaître. Pas de misérabilisme ici, ni d’héroïsation. Juste une parole tenue, audacieuse, littéraire et libre.

Le Tout-Paris du titre n’est pas un décor : c’est un labyrinthe de noms, d’alcôves, d’enjeux de classe et de domination, que Patricia Herszman traverse en funambule. Elle en connaît les codes, les faux-semblants, les rituels. Et elle les observe avec une distance presque sociologique, à la manière d’une anthropologue infiltrée.

Mais plus encore que le pouvoir ou l’argent, ce sont les failles intimes qu’elle met à nu : les hommes qui veulent être aimés sans le dire, les femmes qui se cherchent à travers le regard des autres, les solitudes qui se frôlent sans jamais vraiment se rencontrer.

Call-Girl du Tout-Paris est un livre qu’on lit d’une traite, non pas pour ses révélations sulfureuses — il y en a, pourtant — mais pour sa manière unique de parler du corps, de la ville, de l’intimité, du jeu social. Patricia Herszman écrit comme elle a vécu : avec une élégance provocante, une lucidité sans complaisance et un respect absolu de la complexité humaine.

Éditions Nouveau Monde

 

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