Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur. Luc -12,34
Perchée sur son promontoire de calcaire, Angoulême veille sur la Charente avec cette élégance tranquille propre aux cités d’histoire.

Derrière son image de capitale de la bande dessinée – joyeuse, foisonnante, contemporaine – se cache une autre facette, plus secrète, presque mystique : celle d’une ville de pierre, de silence et de dorures, dont la Cathédrale Saint-Pierre constitue le joyau.


Chef-d’œuvre de l’art roman, l’édifice, bâti au XIIᵉ siècle, impose sa façade sculptée comme un récit de foi et d’équilibre.
Mais c’est à l’intérieur, dans le Trésor de la Cathédrale, que réside l’éclat véritable : un écrin où dialoguent les siècles, les reliquaires en or ciselé et les émaux translucides, les manuscrits enluminés et les objets liturgiques d’une délicatesse presque céleste.
Conçu par Jean-Michel Othoniel, artiste des reflets et des métamorphoses, cet espace sacré réinventé devient un poème d’ombres et de lumières, suspendu entre passé et présent.


Du dessin à la sculpture, de l’installation à la photographie et de l’écriture à la performance, Jean-Michel Othoniel a, depuis la fin les années 1980, inventé un univers aux contours multiples. Explorant d’abord des matériaux aux qualités réversibles tels le soufre ou la cire, il utilise le verre depuis 1993. Ses œuvres prennent aujourd’hui une dimension architecturale et rencontrent volontiers des sites historiques.
C’est 8 années passées à la réalisation du Trésor d’Angoulême m’ont permis d’affirmer pleinement le désir d’enchantement qu’offre mon travail, un sentiment qui me semble primordial en ce début de XXIe siècle. Jean-Michel Othoniel
Dans ce Trésor, le patrimoine n’est pas figé – il respire. L’or y prend la teinte du temps, la pierre celle du silence. C’est une expérience rare : à la fois spirituelle et esthétique, où la ferveur se pare d’élégance.
Trois stations vers la lumière・Le Lapidaire, l’Engagement et le Merveilleux
・Le Lapidaire – Le langage de la pierre
Première halte, la plus tellurique, la plus charnelle. Dans cette salle, les fragments sculptés du passé prennent des allures de reliques contemporaines.

Chapiteaux brisés, anges érodés, motifs arrachés à la façade romane : le Lapidaire raconte la mémoire des mains, la noblesse du temps et l’émotion du fragment. Sous la lumière tamisée, la pierre devient presque peau – fragile, vivante, sensuelle. Jean-Michel Othoniel y révèle la beauté du vestige, ce moment suspendu où la ruine se fait poésie.
・L’Engagement – La ferveur incarnée
Deuxième station, plus dense, plus spirituelle. Ici, l’homme et la foi se rencontrent dans une tension d’or et de lumière. Le visiteur est invité à la contemplation de pièces sacrées : crosses, reliquaires, tissus liturgiques, autant de symboles d’un engagement séculaire.

Mais Jean-Michel Othoniel y glisse son geste : un jeu de miroirs et de verre soufflé, pour rappeler que l’engagement, qu’il soit religieux ou artistique, n’est jamais figé – il se reflète, se prolonge, se réinvente. Le lieu devient dialogue entre ferveur et modernité, entre humilité et éclat.
・Le Merveilleux – L’éblouissement comme prière
Dernière station, sommet de la traversée : le Merveilleux. Ici, la lumière règne en souveraine. Les ors s’y animent, les couleurs se répondent, les formes semblent flotter dans une atmosphère presque céleste.

Jean-Michel Othoniel, alchimiste du visible, orchestre une rencontre entre le sacré et le sensible, entre la tradition et la rêverie. C’est le triomphe de la beauté comme foi silencieuse, de l’émerveillement comme ultime offrande.
Ainsi, le Trésor de la Cathédrale d’Angoulême se révèle comme un triptyque initiatique — de la matière à la lumière, de la mémoire à la grâce. Sous la main de Jean-Michel Othoniel, la pierre prie, le métal respire, et la foi devient art.

Angoulême ne se résume donc pas à ses bulles dessinées ni à ses remparts : elle est une ville de résonances, de contrastes, de clochers et de perspectives. Une cité d’artisans et d’artistes, où la main et l’esprit se rencontrent, et où l’on comprend, en flânant dans ses ruelles blondes, que la beauté y est d’abord une affaire de mesure.
Sous le ciel charentais, Angoulême demeure cette dame discrète et fière, dont le charme agit moins par éclat que par persistance. Une ville qui, à l’image de son Trésor, brille d’un éclat intérieur – celui, rare, des lieux habités par la grâce.








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