Depuis qu’elle est adolescente, Ingrid Dorner pratique la photographie. Pendant longtemps, elle ne montrera pas ses images, préférant le théâtre comme espace d’expression artistique.
C’est donc assez récemment qu’elle a entrepris d’utiliser le médium comme un moyen de dire ses émotions, ses interrogations, ses impressions autour du mystère qui enveloppent parfois les relations au sein d’une famille.
Je suis très intéressée par la notion de traumatisme et de comment on peut vivre le traumatisme d’un ancêtre, de la transmission d’un traumatisme. Explique Ingrid Dorner.
C’est ainsi qu’elle s’est emparée des négatifs des photographies réalisées par sa grand-mère, Édith, qui était notamment connue dans sa famille pour être une très mauvaise photographe au sens où elle ratait de nombreux clichés. On la surnommait « Mémé floue ».
Paradoxalement, ces clichés « ratés » vont servir de matière première à l’œuvre d’Ingrid Dorner qui s’émerveille de la beauté du flou sur ces images. « Ma grand-mère était une personnalité fantasque avec qui je m’entendais très bien », témoigne l’artiste.
Aux négatifs de sa grand-mère, Ingrid Dorner a superposé les siens, plus exactement des négatifs de photographies qu’elle a réalisées et qu’elle n’utilisait pas.
En somme, des rebuts de son propre travail qui ont servi ici de révélateurs à la forme de son travail. En superposant les négatifs de sa grand-mère et les siens, Ingrid Dorner mêle deux regards et deux époques, s’inscrit dans les pas de son aïeul tout en bousculant la fixité qu’impose les clichés originels.
En se servant d’une matière figée et en créant avec, elle s’interpose dans le cycle de l’oubli qui l’entoure et donne un second souffle à ses images, rendant plus neuf et vivant l’acte mémoriel, questionnant plus intensément, aussi, l’énigme de la filiation.
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