Jacques Borgetto

Jacques Borgetto

Voilà des années que Jacques Borgetto, familier des grandes métropoles et de l’Amérique latine, où une partie de sa famille, piémontaise, a émigré, se dépayse en se fixant pour destination le Tibet.

Six fois en dix ans, il a rallié ce pays du bout du monde, difficile à pénétrer, soumis aux autorisations, aux pistes balisées, aux interdits. Six fois il a rejoint des Tibétains colonisés, asservis, submergés par la masse de Chinois occupant leur territoire, comme par les touristes que leur quête d’exotisme entraîne toujours plus loin.

La détresse des nomades, de plus en plus sédentarisés, la modernité envahissante le préoccupent. Comme les menaces pesant sur les montagnes sacrées, convoitées pour leurs matières premières.

Mais ce qui est frappant, chez ce grand voyageur, c’est qu’il s’autorise à partir avec ardeur, détermination, mais sans volonté de témoigner, de dénoncer, d’adopter la démarche du photojournaliste. Serait-il à Lhassa un jour où ça barde, où un bonze décide de s’immoler, qu’il lâcherait son boîtier, plus prompt à agir, à porter secours qu’à faire un scoop. Je sais. Je le lui ai demandé.

Pourtant, il est aux aguets. Alors, que guette-t-il dans ses images qui documentent les « funérailles célestes » des cadavres livrés aux vautours ? Réponse : Du ciel, de l’horizon, de l’Himalaya, de la cime neigeuse, de la crête rocheuse, de la piste cabrée, de la steppe, de l’âpre, du morne, du stérile, du vide, de la nature presque pas domestiquée, l’idée du sauvage, de l’originel, du primitif !

Le Tibet, il le voit avant tout en noir et blanc, la couleur de la fiction. Comme pour les autres pays, les autres séries, la bichromie s’impose dès la première prise de vue. Pour lui « tout s’ordonne à ce moment-là, comme dans une partition musicale ». Au Japon, récemment, la couleur est allée de soi, le format carré du polaroïd est arrivé.

Au Tibet, où le ciel dévore tout, cette transposition débouche sur une gamme infinie de grains, de gris.

Très exceptionnellement, passe, fugace, une tâche de couleur vive, mais alors douce, très douce.

www.jacquesborgetto.fr

 

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