New Territories

New Territories

Avant-propos

L’aquamation est un néologisme désignant une pratique funéraire recourant au procédé physico-chimique d’hydrolyse alcaline mis en oeuvre en phase aqueuse. La matière des corps est réduite en ses composants organiques et minéraux essentiellement solubles. Ce procédé est couramment utilisé pour éliminer des déchets animaux, et récemment développé à usage funéraire pour l’homme et les animaux de compagnie avec une optique écologique, se rattachant à d’autres pratiques funéraires d’inhumation en eau plus ou moins anciennes.

L’usage de l’aquamation à but funéraire, pour l’homme, s’est développé notamment en Australie et outre-Atlantique, et plus timidement en Europe. Dixit Wikipédia.

Le synopsis

C’est le mois d’août en Chine du sud, la fête des morts et des esprits. Li Yu, une jeune ouvrière du Guangdong, s’apprête à entreprendre le voyage de sa vie pour suivre l’homme qu’elle aime en passant clandestinement à Hong Kong.

De l’autre côté de la frontière, Eve, une française, vient conquérir le marché chinois avec un nouveau procédé funéraire.

Entre ces deux mondes, il y a un no man’s land que l’on appelle les « Nouveaux Territoires ». Et tout autour, des dizaines d’hommes et de femmes qui ne cessent de disparaître mystérieusement, sans que jamais on ne retrouve leur trace…

Tel un documentaire, il n’y a pas de dialogue. Juste une jeune narratrice chinoise de 20 ans qui nous raconte en mandarin une histoire, son histoire.

Avec Yilin Yang, la voie et la voix du film, nous avons travaillé le texte comme une partition musicale, entre incantation et scancion, un dialogue avec la musique et l’image pour parvenir à créer une forme d’envoûtement. Fabianny Deschamps

À la seule différence, c’est que nous sommes en présence non pas d’un documentaire, mais bien d’un film qui nous présente les dégâts sur une civilisation, la nôtre (même si Fabianny Deschamps, la réalisatrice et scénariste, nous entraîne pour le film, dans une Chine aux traditions millénaires), avec nos coutumes, nos traditions, d’une nouvelle pratique funéraire : l’aquamation.

L’idée principale du film était de ressentir cet entre deux mondes : entre vie et mort, réel et fantasmagorie, documentaire et fiction : un nouveau territoire. Je souhaitais que le film ait l’air de surgir des limbes et s’épanouisse à cet endroit insaisissable et mouvant par essence. La disparition, et par conséquent l’absence, se devaient d’être omniprésentes et le hors-champ extrême. Fabianny Deschamps

Le film tend à présenter la dualité entre un nouveau monde poussé vers la modernité et un monde de traditions. L’aquamation, vendue comme un processus écologique, se heurte aux traditionalistes, qui y voient d’en cette pratique, le non accomplissement des morts à se rattacher à la terre, les obligeant à errer sans but à la surface du globe. Or, ce procédé est absolument incompatible avec les rites funéraires traditionnels et le respect du culte des ancêtres. La population chinoise, attachée à ces racines a vécu cette interdiction comme un drame sociétal.

Mariant avec justesse le récit, la musique d’Olaf HUND, la voix-off, les images de nuit et de jour, à la fois fixe et en mouvement, de Hong Kong, Canton et du village de Shantou, New Territories nous entraîne dans un monde hypnotique et mystérieux.

Je savais que la musique serait une composante centrale de l’expérience de déréalisation des images documentaires, tout comme le choix de ne garder aucun son direct. La musique devait contaminer le réel jusqu’à en déformer sa perception, nous menant dans des méandres inextricables, parfois oppressants ou émouvants, un envahissement qui appelle à une forme d’abandon. Fabianny Deschamps

La réalité : depuis la révolution culturelle, le Parti a rendu l’incinération obligatoire en Chine, afin de limiter l’importance des traditions religieuses.

New Territories s’est construit à partir d’un fait divers relayé par le South China Morning Post à Hong Kong : près de Shantou, en Chine du Sud, des bandes appartenant aux triades hongkongaises se sont spécialisées dans le commerce de morts afin d’offrir aux familles l’opportunité d’échanger le corps de leur proche défunt contre celui d’un inconnu et de pouvoir ainsi respecter les rites funéraires traditionnels. Ces corps étaient ceux de femmes, de vieillards, de handicapés… enlevés et assassinés et vendus pour environ 10 000 RMB (900 euros), une fortune pour un paysan. Dixit Wikipédia

Travailler sur un sujet aussi tabou et polémique que l’abrogation des rites funéraires en Chine nécessitait de contourner la censure lapidaire du gouvernement et de faire entrer clandestinement notre caméra. C’est donc un film sur la clandestinité, tourné dans l’illégalité. Fabianny Deschamps

 

 

Cet article a été publié dans la catégorie Films, TIME OUT.

 

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