BUG・4

BUG・4

L’apocalypse se pare de bleu électrique

On reconnaît un livre d’Enki Bilal comme on reconnaît un parfum rare : une empreinte visuelle qui n’appartient qu’à lui, mélange d’ombres urbaines, de visages sculptés et de bleus saturés qui semblent respirer une lumière intérieure.

Avec BUG – Tome 4, l’artiste revient, toujours aussi impeccablement énigmatique, pour poursuivre sa fresque futuriste où l’effondrement du numérique rencontre l’intime, le politique… et l’élégance du chaos.

Enki Bilal n’imagine pas seulement un monde privé de données : il dessine la stupeur d’une humanité soudain forcée de penser par elle-même.

On y suit Kameron Obb, toujours porteur du mystérieux « bug » logé dans son cerveau – un virus, un secret, une anomalie presque métaphysique – tandis que les puissants du monde, désorientés, s’agitent comme des courtisans privés de miroir.

Un univers où la beauté trouble règne en maîtresse

Dans ce quatrième opus, les planches sont d’une beauté sèche, presque aristocratique : couleurs minérales, froissements de lignes, décors qui semblent érodés par une lumière trop blanche. Enki Bilal dessine l’apocalypse comme un esthète raconterait une décadence : avec style, précision, et cette pointe d’ironie qui rend la catastrophe presque séduisante.

Les personnages, eux, avancent avec la gravité de mannequins dans un défilé post-humain : silhouettes fatiguées, regards habités, postures tendues.

Enki Bilal, toujours plus contemporain que le présent

Ce BUG – Tome 4 n’est pas qu’un épisode de plus : c’est une autre pièce du puzzle où Enki Bilal interroge nos dépendances, nos illusions de contrôle, notre adoration des écrans. Le futur qu’il peint n’est pas lointain – il nous frôle déjà. Mais chez Enki Bilal , même la lucidité la plus noire ne renonce jamais à une forme d’élégance visuelle, presque sensuelle.

On referme ce tome avec la sensation d’avoir traversé une galerie d’art futuriste où chaque image demande un temps d’arrêt, une respiration, un recul.

Car chez Enki Bilal, le monde s’effondre, certes – mais toujours avec une beauté magistrale.

Editions Casterman

 

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