Comme toutes les belles histoire, Flaine à sa légende. Laissez-nous vous la conter.
Un géant qui, exténué de franchir monts et vallées, entre Léman et Méditerranée, serait venu se reposer dans cette montagne, nichant sa tête au creux de ce vallon que les anciennes cartes dénomment « Flainoz », terme signifiant « oreiller » en patois savoyard. La légende s’arrête là, perdue avec les rêves du géant…
Flainoz va devenir Flainaz, puis Flaine.
©Terminal Neige Le Totem C. Arnal & DR
La création d’un domaine skiable
Atout majeur de la future station, le domaine skiable doit être attractif pour les skieurs de tous niveaux. Celui de Flaine est remarquable ; situé entre 1600 et 2500 mètres d’altitude dans un site sauvage, il est d’un seul tenant et naturellement limité sur trois côtés par des barrières rocheuses dominées par le désert de Platé et le plateau d’Aujon. Cet amphithéâtre orienté au nord conserve bien son manteau neigeux, il est protégé des vents dominants, et ses pentes convergent toutes vers le point central de la station.
Conçue dans les années soixante par Marcel Breuer, l’un des grands architectes américains du XXè siècle, ancien maître du Bauhaus, cette station s’affirme comme résolument moderne et radicale au milieu des 280 km de pistes qu’offre le domaine du Grand Massif.
Marcel Breuer
Le béton brut des immeubles dans un site montagnard de haute altitude fascine les uns et dérange les autres. L’expression architecturale de Marcel Breuer suscite toujours au XXIè siècle une certaine incompréhension de la part de l’opinion publique.
L’architecture moderne n’est pas un style, mais une attitude. Marcel Breuer
Å’uvre particulièrement profonde, à la fois humaine et intransigeante, elle apporte à celui ou à celle qui veut la découvrir une grande satisfaction.
Créées ex nihilo dans la période d’euphorie des Trente Glorieuses (1945-1973), pures réalisations d’une société qui tendait à développer ses loisirs, ces nouveaux prototypes de stations, dites de 3ème génération, ont contribué à populariser la pratique du ski.
Ces stations d’un nouveau type sont fortement marquées par l’intervention et la personnalité de leurs promoteurs et maîtres d’ouvrage qui ont pensé et réalisé, avec une vision globale, des complexes cohérents, comme Roger Godino aux Arcs, Gérard Bremond à Avoriaz ou Eric Boissonnas à Flaine.
Ingénieur géophysicien, musicien et mélomane, Eric Boissonnas (1913-2005) est formé à la stricte discipline des sciences physiques ; il va se révéler un maître d’ouvrage inventif et ouvert aux formes nouvelles. En 1958, alors qu’il vit encore dans le Connecticut, Eric Boissonnas, souhaite jouer un rôle dans la forte expansion des sports d’hiver et l’aménagement de la France en reconstruction.
Eric et Sylvie Boisonnas
Un auteur d’articles remarqués sur le logement parus dans Le Monde le met en relation avec, Max Stern, ancien résistant, et fondateur du BERU (Bureau d’études et de réalisations urbaines).
Séduit par la nouveauté absolue de la démarche d’Eric Boissonnas – créer une station sur un site vierge – le BERU réalise une étude sur le marché de la neige, et notamment les relations entre fréquentation, ensoleillement, enneigement et altitude. Les résultats sont concluants.
Eric Boissonnas s’investit alors dès 1959 dans la mise en oeuvre de son projet visionnaire qui va aboutir à la création de Flaine.
A Flaine, Sylvie Boissonnas (1912-1999), femme d’Eric, va jouer aux côtés de Marcel Breuer, un rôle déterminant dans la décoration intérieure des hôtels et dans la diffusion de la culture dans la station en créant le Centre d’Art de Flaine. Entre 1970 et 1995, elle organise plus de soixante-dix expositions, faisant découvrir l’art de son époque aux skieurs et apportant ainsi une participation essentielle à la mise en valeur et à l’animation de la station.
Grand skieur et amoureux de cette région, l’idée vient en 1953 à Gérard Chervaz, architecte genevois, de créer un domaine skiable dans le massif du Giffre, alors qu’il discute avec un ami du possible développement touristique d’Arâches les Carroz. Dès 1954, il réalise une pré-étude de station de sports d’hiver au lieu-dit Flainoz, situé à environ 1600m d’altitude, au dessus du village des Carroz.
En 1959, Gérard Chervaz est mis en relation avec Rémi Boissonnas, alors directeur de la Banque de l’Union Parisienne, puis avec son frère Eric, et leur présentent ce projet d’envergure dans le domaine de Flainoz. Et c’est en septembre 1959 que les Boissonnas arrêtent définitivement leur choix sur l’aménagement de Flaine. Gérard Chervaz constitue alors une équipe d’architectes, faisant appel à » deux confrères de haute qualité « , Denys Pradelle et Laurent Chappis.
De gauche à droite : D. Pradelle, L. Chappis, E. Boissonnas, G. Chervaz, M. Breuer, F. Berlottier. (Fonds G. Chervaz)
Dès le début de son projet, Eric Boissonnas pense à Marcel Breuer pour dessiner la future chapelle oecuménique de Flaine. Le 30 novembre 1960, Marcel Breuer est définitivement choisi par le groupe Boissonnas.
Pour les Boissonnas, la force de l’architecture de Marcel Breuer – héritier des conceptions architecturales et esthétiques du Bauhaus– une certaine rudesse, la rusticité du traitement des matériaux, jusqu’à son aspect physique, paraissaient s’accorder avec la montagne.
Dans un premier temps, Laurent Chappis présente son plan en exposant ses recommandations pour la conduite du chantier.
Puis c’est le tour de Marcel Breuer qui a travaillé à partir des photos et relevés du site envoyés à New York.
En plus des logements collectifs, des espaces sont réservés à des lieux de rencontre et de rassemblement : galerie marchande, centre d’animation culturelle, bars, restaurants, équipements sportifs annexes comme une patinoire et une piscine.
Des différences de points de vue apparaissent cependant et marquent le commencement de désaccords difficiles à aplanir. Le plan masse définitif est cependant signé en février 1961 à New York par l’équipe franco-suisse et Marcel Breuer.
©. G. Carrard et M. Vardon/Centre Pompidou
Dans l’expression plastique de l’architecture de Marcel Breuer, le rythme occupe une place importante. Sur les façades de béton gris laiteux, sévères et douces, les fenêtres défilent groupées deux par deux ou quatre par quatre au milieu des panneaux en longues bandes parallèles. Les balcons surplombent le vide, orchestrés en rangées à l’ordonnance rigoureuse et équilibrée.
L’audacieux porte-à-faux de l’hôtel Le Flaine, aujourd’hui véritable emblème de la station, est un cube de béton en parfait équilibre au-dessus de la falaise. Il témoigne du triomphe de Marcel Breuer sur le vide et porte les traces d’un dessinateur minutieux soucieux du moindre détail.
Fidèle à l’esprit du Bauhaus, Marcel Breuer ne se limite pas à une création purement architecturale. En dialogue constant avec Sylvie Boissonnas, il emploie son talent de designer pour agencer l’intérieur des hôtels et des appartements de la station. La participation des plus grands designers contemporains à l’agencement des intérieurs démontre l’esprit d’avant-garde des promoteurs de la station.
Organiser le chantier, acheminer les matériaux, une route délicate, tels seront les premiers obstacles à résoudre.
Finalement, Albin Chalendon, Ministre de l’équipement, inaugure la station Flaine le 17 janvier 1969.
L’une des originalités de Flaine est la forte présence de l’art dans la station. Son Centre d’Art ouvre dès 1970. Des expositions y sont organisées présentant les oeuvres d’artistes contemporains.
Au cours de ces expositions des aspects très variés de la création sont montrés, qu’il s’agisse d’Art Brut ou des Nouveaux Réalistes, sculpteurs, peintres, dessinateurs d’humour ou photographes… vont faire étape à Flaine.
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