Qu’il est rare de tenir entre ses doigts un roman qui semble avoir été écrit non à l’encre, mais au clair-obscur.
Les Sentinelles, de Jayne Anne Phillips, appartient à cette aristocratie-là : une œuvre qui ne se contente pas de raconter, mais qui veille – comme son titre l’annonce – sur les frémissements secrets de l’âme humaine.
Dans un style d’une élégance ténébreuse, Jayne Anne Phillips nous entraîne dans une Amérique blessée, où les silences ont davantage de poids que les mots, et où chaque personnage avance comme un fantôme poli, vêtu de douleur mais animé d’une grâce inattendue. La romancière cisèle ses scènes comme on taille un diamant gris : méthodiquement, avec une précision presque aristocratique, et toujours dans la nuance.
Ici, la mémoire devient un salon capitonné où l’on dépose des souvenirs lourds comme des manteaux d’hiver ; le traumatisme, une ombre fidèle qui nous accompagne sans jamais hausser la voix. Jayne Anne Phillips excelle à faire surgir la beauté dans les endroits où l’on n’attendait que la ruine.
L’art de contenir la tempête dans un geste parfaitement tenu.
Lecteur distingué, si vous cherchez un roman qui ne se lit pas simplement mais qui s’habite, Les Sentinelles vous conviendra. Vous n’en sortirez pas indemne, mais sans doute un peu plus élégant dans votre mélancolie.








Qu'en pensez-vous ?