Salon du Saké

Salon du Saké

A l’occasion du lancement officiel de la nouvelle édition du  » Salon du Saké  » à Paris, rencontre avec Monsieur Sylvain HUET organisateur du salon du salon.

Sylvain HUET est le premier Français à recevoir le titre de « Saké Samouraï « , consécration reçue à Kyoto en octobre 2012 où cette distinction lui est remise par la très respectable Association des Producteurs de Saké du Japon en reconnaissance d’un engagement et d’une expertise exceptionnelle dans le domaine du nectar nippon, de son histoire, ses modes de fabrication.

Les origines du saké

On trouve des traces de saké il y a plus de 2 000 ans. Les premiers sakés (kukichikami no sake) étaient initiés en mâchant puis en recrachant du riz dans des jarres (les enzymes salivaires transformant l’amidon en sucre), la fermentation se déclenchait naturellement ! Le riz, alliance de la terre et de l’eau, se formait ainsi en une boisson sacrée dont le partage connectait le monde des humains avec celui des kami.

L’élaboration du saké a évolué de manière empirique au fil des ans, le principal apport étant l’utilisation du koji (riz préalablement étuvé). Au 7ème siècle, une branche impérial se consacre au saké mais c’est au 11ème et 12ème siècles que la méthode actuelle voit le jour dans les temples et sanctuaires.

SylvainHuet salon du saké ©MatthieuZellweger

Sylvain Huet ©MatthieuZellweger

D’où vous vient cette passion pour le saké ?

Mon premier métier a été danseur contemporain. Durant la décennie de ma carrière, j’ai eu la chance de croiser la route de Pierre Doussaint, génial chorégraphe qui nous a malheureusement quitté trop tôt, pratiquant d’aikido, art martial japonais, dont il avait intégré techniques et principes dans son travail de danseur. Pierre m’a initié non seulement à l’aikido mais aussi aux bons vins… Lorsque devenant moi-même pratiquant régulier d’aikido, j’ai commencé à aller au Japon pour découvrir le pays qui avait donné naissance à cet art merveilleux, c’est tout naturellement que j’ai cherché à connaitre la boisson locale. La suite est une histoire d’amour pour la culture nippone, son peuple, sa gastronomie et, bien sûr, sa boisson, si mystérieuse et déroutante pour moi à l’époque que c’est en devenu un défi personnel que de tenter de l’apprivoiser

Depuis 1911, tous les ans en Mai à lieu à Hiroshima, le concours national des nouveaux saké. Quel en est l’intérêt ?

Ce concours, le plus ancien de ce type dans le monde, n’a effectivement été annulé qu’une seule fois dans son histoire (pour cause de guerre) mais sa tenue à Hiroshima est plutôt récente. En effet, le Centre National de Recherche sur la fermentation alcoolique, fondé en 1904 à Tokyo, sous l’égide du ministère des finances (le saké, source très importante de taxes à l’époque, dépend encore de nos jours de ce ministère), est à l’initiative de ce concours qui s’est principalement tenu dans la capitale. Le Centre National de Recherche n’a été relocalisé à Saijo, Hiroshima qu’en 1995. Ce concours a pour but de tirer vers le haut la qualité des sakés et le savoir-faire des équipes menées par leur tôji, responsable de la sakéification. Il est à l’origine de nombreuses avancées techniques (nouveaux riz, nouvelles levures, nouvelles méthodes de production) mais aussi de nouvelles tendances qui sortent parfois du cadre de ce concours pour se retrouver dans les flacons consommés par les japonais. Mais c’est plutôt rarement le cas, les sakés qui y sont proposés sont plutôt extrêmes, notamment ces dernières années du point de vue aromatique, les amateurs japonais de saké préférant généralement des arômes plus en retenue. Si l’on comparait le saké au patinage artistique, ce concours correspondrait plutôt au programme technique qu’au programme artistique, pas forcément donc celui préféré des consommateurs mais celui où chacun scrute les performances des uns et des autres.

Quelle est l’ambition du Salon du saké à Paris ?

L’ambition première du Salon du Saké est avant tout de faire parler du nectar nippon et de contribuer à changer l’image totalement fausse d’eau-de-vie ou d’alcool fort que la plupart des français et autres européens lui attribuent. Une fois cet écueil franchi, il devient possible de faire découvrir toute la richesse, la subtilité et les variétés des sakés japonais. Mon ambition personnelle est d’en faire l’événement de référence eu Europe (qu’il est déjà, de fait, depuis sa première édition) qui rassemble à Paris tous les acteurs de cet univers et permette aux producteurs venant tout spécialement, et à leurs frais, d’avoir un accès au marché, et une rencontre avec les consommateurs et les distributeurs européens. En parallèle des dégustations proposées sur une cinquantaine de stands, des conférences, Master Class, tables rondes et ateliers d’accords mets-sakés, se tiendra cette année le deuxième sommet européen du saké

Quel serait votre souhait pour la France par rapport au saké ?

Je dis régulièrement que les Français doivent s’approprier le saké, non pas comme une obligation mais comme une expérience personnelle, intime, sensible à laquelle chacun peut accéder sans avoir besoin de parler la langue japonaise, ni même de connaitre la culture nippone. C’est une qualité intrinsèque du saké, me semble-t-il, que de permettre d’accéder à l’autre, à ses goûts, à son esthétique sans pour autant intellectualiser l’expérience. Pour dire plus simplement, les Français ne sont pas des Japonais (pardonnez-moi cette évidence), ils n’ont donc pas à boire ou apprécier le saké de la même manière, pas plus qu’ils ne doivent se limiter à reprendre telles quelles les pratiques d’autres pays, notamment Anglo-saxons, où le saké est déjà bien implanté. Je suis persuadé que, si les Français ont mis ou mettent plus de temps à adopter le saké, ils n’en seront que plus fidèles sur la durée.

Vous sentez-vous investi d’un devoir de mieux faire connaitre le saké en France ?

Pas du tout, ce n’est pas une question de devoir mais une envie, une ambition, motivée par la passion qui m’anime pour cette boisson et son univers. Les rencontres incroyables avec les personnes, la découverte de pratiques, de goûts, de sensibilités différentes, ces expériences uniques que j’ai vécues et que je continue à connaitre perdraient tout leur sens si elles n’étaient pas partagées en retour avec mes compatriotes.

Pourquoi le saké est-il une boisson sacrée au Japon ?

Le saké est lié dès son origine à la mythologie de l’archipel ainsi qu’aux pratiques shinto qui, contrairement au bouddhisme, encourage la consommation d’alcool comme un moyen d’accès et de communication avec d’autres univers. Le riz y est la source principale de nourriture ainsi que d’offrande mais le saké, alliance de deux forces naturelles, l’eau et la terre qui produit ce riz, est vu comme la substance même des kami-sama (les divinités animistes présentes partout dans la nature) qu’il faut consommer et partager.

salon du saké ©MatthieuZellweger

©MatthieuZellweger

J’ai comme souvenir du saké, un goût très prononcé et amer dans la bouche. Qu’en est-il finalement ?

Pour moi, il n’existe pas un goût du saké mais de très nombreux goûts et textures. Certains sakés peuvent avoir le goût du riz, d’autre une quasi-absence de goût, plus proche de l’eau de source qui compose essentiellement le saké (ne titrant en moyenne qu’entre 14 et 16°, le saké est constitué à 80-85% d’eau), certains encore peuvent développer des arômes et goûts de fermentation, plus ou moins légers, complexes, subtiles. L’amertume peut en être une composante… ou pas, une acidité (beaucoup plus faible que dans le vin), une certaine douceur, un umami (une richesse de goûts savoureux) en sont d’autres qui se croisent et se complètent

Pour une personne qui n’a jamais goûté du saké, à quel spiritueux pourriez-vous le comparer ?

Rappelons-le une fois pour toutes, le saké n’est pas un spiritueux, ce n’est pas un alcool fort. C’est une boisson qu’il faut plutôt rapprocher du vin, sans pour autant l’y assimiler. Si l’on cherche dans le saké ce que l’on aime (et que l’on connaît) dans le vin, ne risque-t-on pas de passer à côté de ses spécificités? Il est vrai que la complexité et l’importance des phénomènes de rétro-olfaction peuvent parfois faire penser à certains spiritueux, mais c’est dans la famille des boissons obtenues par simple fermentation (c’est-à-dire sans distillation) que le saké appartient et son plus proche cousin est pour moi le vin.

Quel saké lui recommanderiez-vous pour commencer son apprentissage ?

C’est un large débat car je pense que chacun doit se construire sa propre histoire, sa propre expérience. En n’y rentrant pas, au risque de tomber dans une caricature, je proposerai de goûter un saké de type ginjo dont la dimension aromatique (qu’elle soit fruitée, florale, à base d’épices, de végétaux, de miel, de sous-bois, etc..) peut créer une passerelle avec le vin. Pour accompagner quelques mets, je suggérerais un saké du type junmai, généralement plus acide, avec plus de corps, à même d’accompagner facilement un repas.

Comment choisir la bonne température du saké ?

En demandant conseil ou bien en lisant ceux parfois écrits sur la bouteille (s’ils sont traduits). Les sakés aromatiques de type ginjo seront d’abord à essayer à une température fraîche (10-12 degrés). Des sakés avec plus de corps, un goût de riz plus prononcé supporteront bien un service à température ambiante. Les yamahai, par exemple, sont des bons candidats pour tenter un saké chauffé (je conseille de ne pas trop le chauffer, peut-être vers 30-35 °). Mais cela dépend vraiment du saké lui-même et de l’environnement de dégustation. À noter que ce ne sont pas généralement les mêmes sakés que l’on va apprécier chauds ou froids (mais il existe toujours des exceptions).

Au même titre que le vin, pour la description d’une bouteille de saké, on utilise les termes  » robe « ,  » nez « ,  » bouche « , plus le  » riz « . Ce dernier a-t-il une influence importante dans le goût final ?

Pour faire simple, on peut dire que le nez du saké est très influencé par le type de levure et le goût, par le type de riz. Mais c’est une hyper-simplification, changez le riz d’un saké, bien sûr, le nez changera.

Existe-t-il des variations de goût suivant la région au Japon ?

Il n’existe pas une mais des gastronomies au Japon. Les sakés se sont développés en parallèle de la cuisine locale. S’il n’existe pas de système de type AOP ou AOC dans le saké, on constate néanmoins de véritables styles régionaux, plus ou moins marqués d’une région à une autre et, dans une même région, d’un producteur à l’autre

Il semblerai que les levures utilisées dans les sakés, ont une importance équivalente aux riz. Pourquoi ?

C’est complètement différent? Mais il faudrait rentrer dans la technique et expliquer les principes de la sakéification, ce qui nous emmènerait bien au-delà du cadre de cet article

Et la qualité de l’eau ?

Elle est fondamentale.

Combien de temps peut-on conserver une bouteille de saké avant l’ouverture ? Qu’en est-il après l’ouverture ?

En général, une bouteille de saké doit se boire dans la première année. Elle est délivrée par le producteur à son optimum de consommation. Après ouverture, bien refermer, garder au frigo et boire dans la semaine car le saké n’est pas exempt de phénomènes oxydatifs (mais là encore, il existe des exceptions).

Quelle est la place de la consommation en France par rapport au Japon ? Et par rapport à l’Europe ?

Consommation de saké en France par rapport au Japon? Le marché français, bien qu’en croissance, reste un petit marché

Personnellement, vous considérez avoir une vie plutôt à la française ou bien à la japonaise ?

Si vous considérez que boire du saké, c’est vivre à la japonaise, je nuancerai mon propos mais, pour ma part, je me considère bien français. Plus je vais au Japon, plus je découvre la culture japonaise mais, par comparaison, plus je découvre la mienne aussi.

Avez-vous lu l’ouvrage de Toshiro Kuroda  » l’Art du saké » paru en 2013 ?

Oui

Afin d’illustrer notre sujet sur le saké voici un ouvrage à la vente sur notre site :

L’Art du Saké

Senteurs d’agrumes, rondeur sensuelle, arômes de sous-bois, douceur florale… le saké peut exprimer une multitude de goûts et de parfums. De grands chefs nous livrent leurs recettes pour associer des mets savoureux avec les meilleurs sakés.
Éditions de La Martinière

 

Cet article a été publié dans la catégorie FOOD, TIME OUT.

 

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